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Tout sur l'émission "Jeux sans frontières"

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SIMONE GARNIER, présentatrice française d’Intervilles de 1962 à 1991 et de JSF de 1965 à 1982

29 juin 2013 • Catégorie(s) : Interviews

Simone Garnier

Pendant 30 ans, elle a été aux côtés de Guy Lux et de Léon Zitrone le visage et la voix des joutes les plus populaires de France et d’Europe. Simone Garnier a accepté de revenir pour nous sur les grandes heures de la déclinaison continentale d’ « Intervilles ».

Lire le portrait de Simone Garnier : les grandes étapes de sa carrière et ses dernières apparitions télé et radio

Sébastien Dias (JSfnet.fr) : En 1965, « Jeux sans frontières » prend le relais d’ « Intervilles » né trois ans plus tôt. Pouvez-vous nous raconter comment le jeu a franchi nos frontières ?

Simone Garnier, présentatrice d’ « Intervilles » de 1962 à 1991 et de « Jeux sans frontières » de 1965 à 1982 : L’idée revient au Général de Gaulle qui aimait « Intervilles » et qui était soucieux de multiplier les occasions de rapprochement entre la France et l’Allemagne. On faisait beaucoup de jumelages à l’époque. Il aurait soumis au Chancelier Adenauer, lors d’un dîner, l’idée de jeux façon « Intervilles » entre les deux pays. Roger Frey, le Ministre des Affaires étrangères, a fait savoir à Guy Lux qu’il fallait prévoir des rencontres France-Allemagne. Guy Lux a été interloqué quand on lui a demandé ça, et paniqué. Il s’est dit : « Comment organiser quelque chose comme ça sur un plan international ? » Mais je dois dire que ça s’est passé très bien. À la fin, on a même eu la Yougoslavie, à l’époque sous le régime de Tito : elle n’avait pas beaucoup de moyens mais elle nous a très bien reçus.

JSfnet.fr : Tout commence donc le 26 mai 1965…

S. G. : Le premier programme, c’était Dax-Warendorf, les vachettes contre les chevaux. Tout s’est bien passé. Dès le départ, je dois dire que les Allemands nous avaient fortement impressionnés. Ils sont arrivés dans des tenues superbes : blazer bleu marine, chemise blanche, cravate rayée… Alors que les joueurs de notre équipe étaient tous habillés différemment avec seulement un écusson de Dax collé à la manche ! Lors de la réception officielle, M. Moras, Maire de Dax, était là pour accueillir la délégation allemande et il avait vu stupéfait le bourgmestre de Warendorf gravir solennellement l’escalier de la Mairie portant jaquette et gants avec derrière lui, des géants impassibles qui mesuraient 1,92 mètre et pesaient 122 kg et qui portaient les présents d’usage : du Schnaps et des jambons. M. Moras avait été tellement impressionné qu’il a eu besoin de plusieurs verres de Schnaps pour se remettre de son étonnement !

Bien que de tempérament très opposé, les Français et les Allemands se sont très bien entendus et ça s’est déroulé normalement. Il y avait cependant eu une petite chose : au moment de choisir les maillots de chaque équipe, puisque des vachettes étaient prévues au programme, les malins Dacquois avaient proposé sportivement aux Allemands de prendre les maillots rouges et de leur laisser les maillots blancs. Les Allemands étaient ravis de ce geste généreux puisque tout le monde croit savoir que les vachettes foncent plutôt sur le rouge… ce qui n’est pas vrai ! Évidemment, Dax avait remporté les jeux de vache – même si elle a au final perdu la rencontre. Et tard dans la nuit les Allemands erraient encore dans la ville en beuglant les seuls mots de Français appris en quatre jours : « Attention à la vache ! » Le cas était promptement tranché : plus de vachettes à « Jeux sans frontières », d’autant plus que les autres pays par la suite avaient peur que les vachettes ne soient ridiculisées ou qu’on les fasse souffrir – ce qui n’était pas le cas.

JSfnet.fr : L’autre différence majeure entre « Jeux sans frontières » et « Intervilles », c’est le renoncement au direct.

S. G. : C’est pourtant ce qui a fait le succès retentissant d’« Intervilles » dès le début : le direct ! Même avec les problèmes de temps, de contestations… Nous étions aussi en duplex. Par la suite, ils avaient imaginé de faire venir les équipes sur un même lieu mais ce n’était plus la même chose. Ce qui était intéressant, c’était d’avoir deux lieux et tout en double : les commentateurs, les cars de régie… C’était compliqué et risqué…

JSfnet.fr : Aujourd’hui, les moyens de télévision sont plus élaborés techniquement et pourtant un duplex en direct est très rare voire inexistant. À l’époque pourtant, ça marchait !

S. G. : Oui, et même quand ça ne marchait pas, ça ajoutait quelque chose en plus !

JSfnet.fr : Votre rôle sur « Jeux sans frontières » était donc plus modeste que sur « Intervilles » ?

S. G. : Mon rôle pendant 17 ans était de suivre l’équipe sportive française. Je ne restais pas longtemps. J’arrivais la veille pour assister à l’émission, je faisais mon reportage et je rentrais à Paris pour partager mon commentaire avec Guy Lux dans les conditions du direct. Je repartais ensuite pour Lyon au plus vite : j’avais mes deux enfants qui m’attendaient à la maison !

JSfnet.fr : Quel est le lieu de tournage qui vous a le plus marquée ?

S. G. : Chaque pays était différent. Et puis nous n’allions pas forcément dans les grandes villes. On pouvait aller dans de toutes petites villes, comme en Angleterre, à Blackpool : une petite ville insensée avec des guirlandes multicolores, des Pères Noël, des animaux, une mini-Tour Eiffel… Blackpool, c’est horriblement kitsch ! Depuis le matin, on voyait des ménagères en bigoudis avec un foulard sur la tête qui jouaient aux machines à sous. Hormis la surprise de voir ce luna-park géant, c’est là qu’en 1966 notre équipe avait eu le choc de la première mini-jupe, lancée la même année par Mary Quant, apparue sur un tabouret de bar avant une très sérieuse réunion de production. Elle était tellement mini-mini que mon mari qui m’accompagnait n’a pas manqué de prévenir tous ces messieurs qui ont accouru au bar et ont très vite oublié l’heure de la réunion ! Ce sont des souvenirs comme ça qui sont drôles.

Je me souviens aussi d’une autre histoire marrante, en Angleterre. On imaginait toujours des jeux un peu foutraques, comme de faire casser des vieux pianos le plus vite possible. On ne savait plus quoi faire ! Mais pour la répétition, les vieux pianos n’étaient pas arrivés… Ni une ni deux, les gens qui préparaient l’émission, n’étant pas au courant, étaient allés chercher un piano à la BBC, un piano de concert pulvérisé en miettes en quelques coups de hache, c’était épouvantable ! Ça avait fait toute une histoire…

JSfnet.fr : Les différents pays en compétition abordaient-ils « Jeux sans frontières » de la même façon ?

S. G. : Chacun proposait son propre programme et imposait son thème, mais il y avait une réunion collégiale où des idées pouvaient être soumises pour que ce soit plus drôle. Tout le monde faisait ça très sérieusement mais chaque pays correspondait aux idées reçues.

Les Allemands étaient merveilleusement organisés mais il ne fallait pas changer une virgule des émissions qu’ils avaient préparées. Ils avaient une productrice blonde et un petit peu ronde, toujours habillée en clair : je l’avais surnommée la Panzer rose !

Les Italiens mettaient l’accent sur les costumes et les décors, ils avaient beaucoup de goût pour ça. Ils aimaient tellement ces réunions que, quel que soit le pays où nous nous trouvions, ils organisaient des « spaghetti parties » : ils arrivaient avec tout ce qu’il fallait, réquisitionnaient la cuisine de l’hôtel et ça se terminait à minuit et demi, une heure du matin.

Les Portugais étaient d’une générosité incroyable : ce sont les seuls à avoir invité tous les commentateurs et leurs conjoints à passer une semaine à Madère. À propos des Portugais, il était arrivé une histoire extraordinaire. On était en Algarve, une région très connue et splendide, qui se vantait d’avoir plus de 300 jours de soleil ininterrompu par an. Alors ils avaient basé tous leurs jeux sur le soleil. Hélas, de la répétition jusqu’à l’émission, l’eau est tombée en catarates ! Or, quand l’émission était prévue, on ne pouvait pas remettre. Tout s’est passé sous un de ces déluges ! Les malheureux concurrents étaient trempés. C’était Périgueux qui représentait la France. Je revois encore son maire, qui était avec nous dans la cabine et qui suivait ça catastrophé !

JSfnet.fr : Quels souvenirs avez-vous des concurrents français que vous accompagniez ?

S. G. : Tous les jeunes sportifs que nous envoyions n’étaient jamais sortis du pays. Contrairement à nos concurrents, ils n’étaient pas recrutés parmi les meilleurs athlètes. D’ailleurs, dans les années 1960, nous ne brillions pas par nos exploits sportifs. Pour « Jeux sans frontières », nous avions le même protocole que pour « Intervilles » : on ne prenait pas les plus sportifs mais les plus sympas, les plus marrants, les mieux connus de leur petite ville… Ce qui fait qu’on ne s’est pas classés d’une façon tout à fait extraordinaire dans ces « Jeux sans frontières ». Mais nous avions la palme de la sympathie parce qu’il se passait toujours des trucs !

Je me souviens notamment que les participants de Saint-Gaudens étaient extrêmement sympas. Ils étaient donc ravis de se retrouver en Angleterre même s’ils avaient quelques doutes sur la table britannique. Dans le Sud-Ouest, on est très généreux. Alors ils avaient projeté un gigantesque pique-nique : ils avaient des pains de campagne, des jambons, des bouteilles de vin… et même des conserves de confit de canard que les plus malins avaient réchauffé dans l’eau chaude de leur baignoire ! Les Anglais, absolument stupéfaits, ont vu tous ces jeunes avec des libations très arrosées. Le soir, nos jeunes Français n’avaient pas brillé spécialement dans la piscine de Blackpool. Pour les consoler, je leur avais dit : « Je ne sais pas si on se souviendra de Saint-Gaudens mais je suis sûre que les Anglais vont chercher sur la carte de France où ça peut bien se nicher parce qu’ils savent qu’ils vont y trouver du bon pain, de bon foie de canard et de bonnes bouteilles ! »

JSfnet.fr : Pensez-vous que les performances assez modestes des Français ont eu un impact sur le succès de l’émission ?

S. G. : Oui, ça nous a un peu défavorisés dans l’esprit du public. Quoique « Jeux sans frontières » marchait bien : il y a eu jusqu’à 100 millions de téléspectateurs et 80% d’indice de satisfaction sur le plan européen. Et puis certains se sont tout de même très bien défendus comme à Nancy en 1975. Il fallait rendre hommage à Stanislas Leszczynski, le « roi de Nancy ». Il y avait des décors et des costumes somptueux, notamment sur une course de chaises à porteurs qui a fait mourir les gens de rire et qui avait permis aux Nancéens de gagner.

JSfnet.fr : Avez-vous gardé contact avec certains participants ?

S. G. : C’est amusant parce qu’aujourd’hui encore, j’ai encore des participants qui m’écrivent à l’occasion des vœux. Ils m’envoient un petit mot en me rappelant des souvenirs qu’ils ont encore en tête. Je trouve ça tout à fait touchant. Vous vous rendez compte ? Depuis 1982, qu’on s’est arrêtés… (rires) Ça prouve effectivement les souvenirs que ça a laissé. Et puis il n’y avait pas d’argent en jeu : c’était l’Europe du sourire, de la bonne humeur. Beaucoup de rire, d’enthousiasme… Un excellent esprit. Il y avait vraiment un réseau d’amitié extraordinaire. Donc lorsque ça s’est terminé en 1982, on a chanté bien sûr « Ce n’est qu’un au revoir » et on était tous émus. Les Anglais pleuraient même à chaudes larmes !

JSfnet.fr : Vos commentaires en 1982 nous ont appris que l’arrêt des « Jeux sans frontières » en 1982 n’a pas été une surprise. Vous étiez préparés à cette fin, n’est-ce pas ?

S. G. : Oui, cela a été décidé par Monsieur Desgraupes. La Direction d’Antenne 2 avait même carrément envoyé quelqu’un pour annoncer qu’on ne participait plus alors qu’on était déjà sur place. Évidemment, les autres pays n’ont pas accepté car il y avait un gentleman-agreement : on pouvait se retirer de la compétition à condition de prévenir un an avant. Du coup, on a quand même fait l’édition 1982 alors que logiquement, elle aurait dû être supprimée. Et évidemment, logiquement, en 1983 c’était terminé. C’était immérité car l’émission marchait bien.

A la suite de ça, les producteurs de « Jeux sans frontières » ont organisé « Intercontinents ». On a eu le Canada, la Corée, l’Italie qui nous avait envoyé la Cicciolina, cette fameuse députée aux seins nus ! On a eu des soirées extraordinaires !

JSfnet.fr : À « Jeux sans frontières », deux personnes avaient une place toute particulière, dans l’émission mais aussi dans votre coeur : les arbitres suisses Gennaro Olivieri et Guido Pancaldi…

S. G. : Ils étaient irremplaçables par leur compétence et par l’amitié qu’ils dégageaient. Ils ont fait toutes les émissions avec nous, y compris « Interneige ». Tous les deux étaient suisses et avaient été arbitres de hockey-sur-glace. Gennaro avait arbitré huit fois les championnats du monde de première division donc il avait été le premier contacté pour la première rencontre franco-allemande Dax / Warendorf.

Ils étaient toujours l’un avec l’autre si bien qu’on les avait appelés Dupond et Dupont. Ils nous ont raconté des histoires inénarrables. Un jour en revenant en voiture de Hollande, Guido dit très calmement avoir vu une vache avec un soutien-gorge… Et l’autre de lui répondre : « Arrête de dire des âneries ! – Si, si, je t’assure, j’ai bien vu ! » Gennaro arrête pile la voiture et voit dans un champ une énorme frisonne dont les pis traînaient presque par terre, maintenus par une sorte de sac de toile fixés par une ceinture qui faisait le tour de la bête ! Du jamais vu, ni en France, ni en Suisse… Les deux compères nous racontaient cette histoire en concluant qu’aux Pays-Bas, le soutien-gorge pour vache n’est pas un pis-aller ! (rires)

JSfnet.fr : À votre époque, « Jeux sans frontières » a été diffusé sans interruption pendant 17 ans alors que pour « Intervilles » les éditions ont été plus rares. Le regrettez-vous ?

S. G. : Il y a eu des étés où on ne faisait pas « Intervilles », c’est vrai. Mais ça a duré pendant pratiquement 40 ans : on a passé la dernière vache entre les mains de ceux qui nous remplaçaient dans les années 1990. « Intervilles », c’était typiquement français dans la mesure où on était responsables de l’émission de A à Z.

JSfnet.fr : « Intervilles » est de retour mais pensez-vous qu’il y aurait aujourd’hui de la place également pour « Jeux sans frontières » ?

S. G. : « Jeux sans frontières » marchait bien parce qu’elle avait de très gros moyens. Mais comme chaque pays était responsable de A à Z d’une émission, il pouvait consacrer un très gros budget et avoir huit autres gratuites. C’était une bonne affaire !

Un retour pourquoi pas ? Mais dans la formule des débuts : quand il y a une formule qui marche bien, il ne faut pas changer. Nous verrons bien…

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2 Réponses »

  1. J’ai regardé une fois et c’est pas trop trop mal dans l’ensemble… Mis à part un arbitre qui s’égosille un peu trop et qui doit en faire des caisses pour assurer le show ainsi qu’une présentatrice au sourire ultra-brite plus attirée par son reflet dans la caméra au lieu d’être proche et réactive avec son collègue animateur mais aussi les candidats…

    Le hasard fait généralement bien les choses…. mais bon, là, comme par hasard, c’est la dernière et sixième émission éliminatoire qui départage les deux équipes prétendantes à la finale… la joie du montage…

    Il aurait été aussi de bon ton de faire jouer les quatre équipes à chaque fois au lieu de les opposer deux à deux… On aurait additionné les scores obtenus à chaque émission et c’est l’équipe avec le plus gros total à la fin des six émissions qui serait allée en finale

    Il est surtout URGENT de revoir les règles du dernier jeu qui est complètement aberrant… Comment se permettre de traduire un écart de points en une distance, ce qui n’est pas du tout significatif et qui est difficilement convertible !!

    Une équipe peut très bien gagner jeu sur jeu et tout perdre au dernier moment, tout ça dans le but de ménager un « pseudo-suspense » à deux balles alors à quoi bon alors se fatiguer durant les épreuves si c’est pour tout perdre à la fin ?? Suffit juste de mettre des candidats costauds au dernier jeu et c’est gagné…

    Les questions de culture générale étaient plus adaptées comme dernier jeu et avaient selon moi plus de sens… Disons que les candidats faisaient fonctionner leurs jambes mais aussi leur tête !!

    Néanmoins, cette session de Jeux à la neige est moins ennuyeuse et surtout moins cheap que les Intervilles des années 2000 sur France Télévisions… Gardons espoir que Mistral Productions continue sur cette lancée à remonter la pente…

    Ce n’est pas une questions d’argent mais juste d’avoir l’envie et la volonté !!!