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1962 > La naissance d’ « Intervilles »

18 août 2013 • Catégorie(s) : Story : les grandes dates

On attribue la paternité des « Intervilles » – qui, étendus à l’Europe, deviendront les « Jeux sans frontières » – à l’animateur-producteur Guy Lux. C’est en effet ce pionnier de la télévision française qui a créé l’émission en 1962. Mais il faut savoir que l’idée d’opposer deux villes lors d’un match amical composé d’épreuves sportives et intellectuelles est antérieure à « Intervilles »…

De Campanile Sera

De 1959 à 1962, la télévision italienne propose « Campanile Sera », un jeu opposant deux villes de province au fil d’épreuves sportives (mât de cocagne, ping-pong, tir à la corde…) et intellectuelles (parties d’échecs et quiz culturel). Le programme a été imaginé par Adolfo Perani dit « Popi » et parmi ses présentateurs figure Enzo Tortora. Tous deux feront d’ailleurs partie de l’aventure « Jeux sans frontières » en 1965, le premier derrière la caméra, l’autre devant.

De l’autre côté des Alpes, un homme s’intéresse de près à « Campanile Sera » : Pierre Brive, producteur à Radio-Monte-Carlo. Il est persuadé qu’en France aussi, le succès sera au rendez-vous. Il parle de ce concept qu’il a découvert sur la RAI à Emmanuel Robert, chargé des émissions de musique et de variétés à la RTF. Il souhaite proposer à la télévision française une adaptation. Guy Lux est choisi pour tenir le rôle central : il entre en contact avec la télévision italienne qui lui cède les droits.

…à Intervilles.

En cette année 1962, « Intervilles » console la déception des téléspectateurs privés de Tour de France en direct : les équipes cyclistes, sponsorisées pour la première fois par des marques publicitaires, sont privées d’antenne sur ordre du gouvernement, réticent à la publicité à la télévision. L’absence de retransmission du Tour permet à « Intervilles » de bénéficier de moyens techniques de production sans précédent pour une émission de divertissement.

« Intervilles 62″ – titre officiel, qui promet déjà une longue série au fil des années – est programmé au cœur de l’été, onze jeudis de suite, du 19 juillet au 27 septembre. Les cinq premiers sont autant de derbys régionaux, les trois suivants les quarts de finale, suivis de deux émissions de demi-finale et de l’ultime match qui désigne la ville gagnante. Pour présenter le tournoi, Guy Lux s’adjoint de Léon Zitrone, qu’il dépêche dans la deuxième ville, et de Simone Garnier, qui était sa partenaire sur le jeu « La roue tourne » .

20000 kilomètres en chemin de fer attendent les présentateurs et les équipes techniques. Les communes participantes « ne devaient pas dépasser vingt mille habitants… En principe, du moins, expliquait le réalisateur Jean Bescont quelques jours avant le début. En tout cas, l’on a voulu éviter les grandes villes où l’on n’aurait pas trouvé un suffisant « esprit de clocher » pour créer le tonus de la compétition. Les villes désignées sont enchantées, et leurs municipalités nous apportent le plus entier concours.« 


L’équipe d’Intervilles à la crêperie Le Goff de Concarneau : Guy Lux, Simone Garnier, Léon Zitrone trinquent bol de cidre à la main avec « Jojo », le maire de Saint-Amand, Pierre Tchernia (en bas à droite).

Les premiers pas

Pour la grande première, Saint-Amand-les-Eaux affronte Armentières dans une pagaille indescriptible : en plein-air, en public, en direct et en duplex ! « J’ai ressenti le sentiment d’un affreux désordre, d’une foule délirante, déchaînée, incontrôlable, mais avec tout ce qu’elle peut avoir de juteux, de fort, de vrai, se souviendra Léon Zitrone. À Dax où j’ai eu peur, peur d’être écharpé par la foule, j’ai compris qu’il n’y avait rien à faire contre une foule déchaînée, sinon crier plus fort qu’elle. Et comme je suis un ancien officier d’artillerie et que je possédais un bon micro, j’y suis parvenu. »

Quelques minutes plus tôt ce soir-là, Zitrone appelle Guy Lux pour lui annoncer que les arènes de Dax sont pleines à craquer. Son interlocuteur à Bayonne ne partage pas le même enthousiasme… Il n’a devant lui que trois cents personnes et se désespère. Quand commence enfin le deuxième match, 6000 spectateurs ont répondu présents. Guy Lux sait alors qu’il a gagné son pari : « Intervilles » est un succès populaire.


À seulement quelques minutes du match Douarnenez-Concarneau, Simone Garnier aperçoit son mari, Antoine, dans les gradins. Le photographe de Télé 7 jours, Denis Merlin, a surpris l’échange de leurs regards.

Faites entrer la vachette !

Peu à peu, l’émission se démarque de « Campanile Sera » par des jeux tous plus cocasses les uns que les autres : livreur d’assiettes sur plan incliné et savonné surplombant une piscine, rhabillage dans une cabine sans plancher, basketteurs parachutistes… Mais l’épreuve qui devient indissociable d’ « Intervilles », c’est celle des vaches landaises fonçant sur les joueurs et les renversant d’un coup de cornes !

Les « vachettes », Guy Lux les trouve lors de son passage dans le Sud-Ouest. Il souhaitait montrer le folklore de la région et a demandé l’organisation d’une course landaise. Joseph Labat, éleveur à Buglose, petite bourgade près de Dax, et spécialiste en la matière, a été engagé. Le spectacle a enthousiasmé le public si bien que la présence des vachettes est devenue récurrente. « Imaginer des vaches ailleurs que dans une course landaise, c’était bizarre, se souvient Jean-Pierre, le fils de Joseph, enfant à cette époque-là. D’ailleurs, sur les trois éleveurs du coin qui ont été démarchés, seul mon père a accepté. »

Depuis trois générations, la famille Labat veille sur les petites vaches nerveuses qui taquinent les participants. Après Joseph, aujourd’hui décédé, et son fils Jean-Pierre, c’est désormais Teddy qui a repris le flambeau. « Les vachettes ne se dressent pas, prévient Jean-Pierre. Pour Intervilles, on choisit des bêtes jeunes, de gabarit moyen. Quand elles ont deux ans, on teste leur capacité à réagir aux jeux de l’émission et on les oriente vers ceux qui leur conviennent le mieux. »

Une émission culte

Bien vite, les incidents à répétition et les contestations en masse – qui feront la renommée du programme – rallongent considérablement l’émission. « Intervilles » dépasse souvent l’horaire prévu si bien que Guy Lux doit parfois terminer le dernier jeu hors antenne. Il s’agit de l’épreuve des cabines, où les candidats sont interrogés sur leurs connaissances historiques. Ce quiz aussi n’est pas exempt de couac. Lors des quarts de finale, Dax chute sur une question se rapportant à Denfert-Rochereau. Guy Lux déclare Bayonne vainqueur. Mais la question comportait une grossière erreur, et 8000 Dacquois, soutenus par Léon Zitrone, hurlent. Zitrone est porté en triomphe tandis que les plus terribles menaces sont portées contre Guy Lux, qui reconnaît finalement son erreur et repêche Dax.

Quelques semaines plus tard, pour la finale, Guy Lux décide d’envoyer Léon Zitrone à Saint-Amand. Il prend le risque d’affronter la « bronca » qu’ont promis de lui réserver les Dacquois. C’est l’inverse qui se produit : lorsque Dax gagne, la foule en délire le porte en triomphe. De l’homme le plus détesté, il devient le plus adulé et savoure ce bon moment, « le meilleur » de ces « Intervilles » édition 62.

Pendant trois ans, malgré ces débuts chaotiques, « Intervilles » sera l’un des programmes les plus populaires de la RTF. L’hexagone semble bien vite trop étroit pour un tel succès et l’idée d’élargir le concept aux pays frontaliers germe dans l’esprit de certains. Parmi eux, le Président de la République française en personne. La petite histoire rejoint la grande.

Cliquez ici pour lire la suite : l’histoire de la création de Jeux sans frontières

Auteur : Sébastien Dias
Sources : Télé 7 jours du 25 au 31 août 1962, Télérama des 15 juillet et 14 octobre 1962, TV Grandes chaînes du 4 août 2008

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